Défaites de la musique
- Pierre-Olivier Cervesi
- 3 févr. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 févr. 2021

Louée de toutes parts depuis sa première édition en 1982, la Fête de la musique est-elle vraiment à la hauteur de sa réputation ? Qu’observe-t-on chaque 21 juin aux coins des rues, dans les bars, sur les quais de Seine ? Au nom d’un accès démocratique à la musique, force est de constater que s’il y a bien fête, c’est essentiellement celle d’un amateurisme bruyant fait de reprises convenues, de prestations approximatives et de débordements en tous genres. « Faites de la musique ! » Oui mais laquelle ? L’injonction est suffisamment vague pour ne pas rappeler l’exigence laborieuse du conservatoire et les soupçons d’élitisme qui pèsent sur lui. Le message est de fait reçu cinq sur cinq : musique pour tous mais surtout par tous. Les genres musicaux qui se prêtent le moins à cette mascarade sont logiquement refoulés dans les cours d’immeubles, les caves ou les églises : jazz, classique, bossa rasent les murs et seront, année après année, les grands perdants de la soirée. Faut que ça cogne, faut que ça sue, faut que ça « dérange » : rock et rap en tête, les musiques populaires se vengent…
Tout homo festivus que l’on soit, ce cocktail infernal assure une gueule de bois auditive XXL. L’éthique punk du Do it yourself s’en trouve mise à mal : à l’audace de s’emparer d’instruments pour faire passer une émotion a succédé des centaines de prestations sans talent et de groupes sans idée dont la seule ambition semble la recherche d’une notoriété 2.0. La journée la plus longue de l’année devient alors la nuit la plus éprouvante de l’été pour qui n’adhère pas au dogme de l’amusement populaire. Au secours !
« Contre l’idéologie du “sympa” et du quart d’heure de gloire promis par Warhol, Pierre-Olivier Cervesi a fait son choix : la minute de silence. »
Les Irréductibles
« Détestable mais jouissif, ce petit livre tout en saillies et grincements de dents donnera à réfléchir entre deux reprises de Téléphone. »
Médiarama
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Fondateur et lead guitar approximatif de nombreux groupes de pop-rock indépendant ces vingt dernières années, Pierre-Olivier Cervesi voue un culte absolu à des artistes tels que The Frank & Walters, Big Troubles, Pernice Brothers ou encore Rolling Blackout Coastal Fever. C'est dire s'il n'est pas à la fête chaque 21 juin. Pour rédiger Défaites de la musique, il a payé de sa personne. Ce qu’il a vu et entendu n’est pas l’envers du décor ou les coulisses : c’est l’événement lui-même, livré comme tel, à nu. En un mot : grotesque.
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Défaites de la musique, Bruit Blanc, 112 p., 14 €. Sortie le...
Argumentaire presse
Rendre accessible à tous la pratique de la musique une fois par an, tel est le credo louable et optimiste de la Fête de la musique. Qui trouverait à y redire ? Ce succès populaire jamais démenti a pourtant son envers du décor : prestations indigentes, obligation de s’amuser, absence d’une réelle diversité musicale sont des faits observables par quiconque faisant preuve d’un peu de recul.
Ce parti pris de voir ce qui se donne à voir et d’entendre ce qu’il y aurait à écouter si c’était moins mauvais, personne ne l’a encore adopté. Par conformisme ou crainte d’être instantanément traité de rabat-joie, d’aigri ou de « réac », personne n’avait osé faire sa fête à la Fête de la musique. Avec ce petit livre coup de poing, c’est désormais chose faite.
Tel un commando parachuté derrière les lignes ennemies, Pierre-Olivier Cervesi ne fait pas de quartiers. L’humour, arme de destruction massive des clichés et de la paresse intellectuelle, font de cette enquête à charge le point départ d’une réflexion sur ce que pourrait être une fête qui serait vraiment celle de la musique, de toutes les musiques.
Sans attendre le 21 juin, ce petit livre au style enlevé ravira les mélomanes, les amis du silence et mettra les rieurs de son côté. Il intéressera également les acteurs du secteur culturel (programmateurs, tourneurs) et questionnera leurs pratiques de la « diversité musicale ».
Sommaire
18 h 02 - Halle des Blancs-Manteaux
Des lycéennes crapotent sur fond de Beyoncé
18 h 25 - Rambuteau
Reprise de Téléphone (« La bombe humaine »)
18 h 39 - Place de l’Hôtel-de-Ville
Mec en treillis qui vend des bagues d’orteil et chante du Manu Chao
18 h 57 - Parvis de Notre-Dame
Groupe péruvien avec flûtes de pan, K7 et ponchos
19 h 16 - Fontaine Saint-Michel
Sonneurs en habit (di)sonnant l'hallali
19 h 33 - Carrefour de l’Odéon
Reprise de Téléphone (« Argent trop cher »)
19 h 52 - Maubert-Mutualité
Reprise trop lente d’Indochine (« L’aventurier »)
20 h 13 - Jussieu
Un père portant son fils sur les épaules essaie de rapper pour faire jeune
20 h 45 - Arènes de Lutèce
Gothiques en bande qui font la gueule en attendant la fin du monde
21 h 07 - Devant la grande mosquée de Paris
Battle de slam avec sono impossible à faire taire régler
21 h 34 - Sur les quais de la Seine
Batucada assourdissante et flaques de vomi
22 h 12 - Station Gare d’Austerlitz
Mec bourré sur les rails
22 h 36 - Gare de Lyon
Vieux à l’accordéon qui chante le Paris de toujours pour des touristes chinois
23 h 01 - Bastille
Reprise de U2 (« Sunday bloody sunday ») vs. reprise de Radiohead (« Creep »)
23 h 22 - Place des Vosges
Groupe de jazz métal slovène = riverains menaçant d’appeler les flics
23 h 54 - Canal Saint-Martin
Mec tombé à l’eau et se servant d’un djembé comme bouée de sauvetage
0 h 17 - Stalingrad
Sosie obèse de Robert Smith pris à partie par sosie blanc de Joey Starr
0 h 39 - Gare de l’Est
Reprise de Téléphone (« Un autre monde »)
1 h 06 - Château d’eau
Fast drinking collectif à la 8.6
1 h 38 - Strasbourg Saint-Denis
Petits dealers de weed à l’affût avec ghetto blaster
2 h 06 - Devant le centre Georges-Pompidou
Filles apprêtées comme si c’était la soirée de l’année
2 h 37 - Châtelet
Groupe de jeunes torses nus qui fait des reprises de Fauve
3 h 11 - Forum des Halles
Stand Redbull saccagé sur fond de NTM
3 h 32 - Quelque part dans le Noctilien 321
Reprise de Téléphone a cappella (« Cendrillon »)
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Couverture alternative destinée au service de presse

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